Télétravail, le moteur d’une transition durable et décarbonée?

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Image from: ©Green Chameleon

S’il est un moment propice au changement, c’est bien celui que nous sommes en train de traverser. Bouleversant nos vies sociales et privées, la COVID-19 n’a pas épargné notre cadre professionnel non plus. Et si cet épisode était l’élément déclencheur d’une transition vers une économie plus durable, et décarbonée ?

Le télétravail, une tendance de fond

Alors que près d’un québécois sur deux s’est retrouvé en télétravail, les employés, autant que les employeurs, voient aujourd’hui les opportunités créées par cette pratique, et les bienfaits qu’elle peut apporter. Nous assistons actuellement au déploiement à grande échelle du télétravail. De grandes entreprises comme Twitter et Facebook, ou encore le groupe automobile PSA ont décidé d’étendre cette mesure au-delà de la période de distanciation sociale pour une part significative de leurs employés. Il est fort probable que cette tendance se poursuive au cours des prochains mois, il devient donc urgent de s’attarder sur les tenants et aboutissants du télétravail. Est-il souhaitable ? Est-il durable ? Est-il capable de réduire notre empreinte carbone ?

Documenté depuis plusieurs années un peu partout dans le monde, l’impact social du télétravail est un enjeu majeur, pour son acceptation et sa mise en place généralisée. Un sondage Léger révèle que parmi les Canadiens en télétravail pendant la crise, 79 % d’entre eux disent aimer l’expérience. De même outre-Atlantique, où une étude CSA datant du 6 mai 2020, réalisée sur 1010 salariés français, révèle que 73 % des télétravailleurs désirent poursuivre le télétravail après la levée du confinement. Ces résultats très prometteurs s’expliquent principalement par l’amélioration de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, la réduction du temps de transport, la flexibilité des horaires et un stress réduit. De plus, la démocratisation du télétravail a un effet important sur l’égalité des chances, car il permet une meilleure intégration de certaines personnes en situation de handicap au sein des entreprises.

À noter toutefois que la perte potentielle de lien social avec ses collègues peut influencer négativement le bien-être au travail, sujet sur lequel il y a encore relativement peu d’études.

Du côté économique, le travail à distance a d’ores et déjà fait ses preuves dans de nombreuses entreprises. Au Québec, nous pouvons prendre l’exemple de TELUS, l’opérateur téléphonique, qui depuis 2006 fonctionne avec 70 % de ses employés en télétravail. Ce choix aurait permis à la compagnie de réaliser des réductions de coûts estimés à 50 millions de dollars sur la période de 2006 à 2016. Si l’avantage principal mis en avant par TELUS renvoie à la baisse de ses frais locatifs, une récente étude montre que, tant pour les dirigeants que pour les employés, l’efficacité au travail est améliorée. Même si cela relève d’une appréciation subjective, les dirigeants sont tout de même 79 % à le penser, et ce chiffre grimpe à 89 % pour les employés. Toutes les installations actuelles ne sont pas nécessairement aptes à recevoir autant de télétravailleurs de manière permanente, un investissement en équipement pourrait donc être requis. Pour opérer ce changement, les employés nécessitant une formation peuvent compter sur le Programme d’Actions Concertées pour le Maintien en Emploi. Mis en place par le gouvernement, ce programme aide les entreprises à traverser la crise, grâce à fond de 100 millions de dollars.

Malgré les défis que représentent la sécurité, la capacité du réseau ou la formation des employés, le télétravail s’est déployé à grande vitesse ces derniers mois et devient aujourd’hui une norme.

Quels avantages environnementaux ?

Comme nous venons de le voir, les avantages économiques et sociaux sont nombreux, dès lors il est légitime de penser que le nombre de personnes en télétravail va être amené à augmenter significativement et rapidement. Mais quelles en seront les conséquences pour l’environnement et le climat ?

Côté positif, la réduction du trafic automobile aux heures de pointe amène une baisse de la pollution sonore et améliore la qualité de l’air. La réduction des déplacements domicile-travail et des voyages d’affaires en avion, remplacés par les téléconférences, a pour conséquence directe une réduction des émissions de GES. De même, la baisse de consommation d’électricité et de chauffage des bureaux peut diminuer significativement l’empreinte écologique d’une entreprise suivant sa localisation. Ces bénéfices sont locaux et donc immanquables.

Côté négatif, l’impact environnemental du numérique n’est pas négligeable, puisqu’il représentait 4 % des émissions mondiales de GES avant la crise sanitaire. Et ces émissions augmentent de 9 % par an. Lorsque l’on évoque le télétravail, nous pensons tout de suite à la visioconférence, à juste titre, comme le montre la progression de la plateforme Zoom qui est passée de 10 millions d’utilisateurs en décembre 2019 à 300 millions aujourd’hui. Sachant que la vidéo représente 80 % du trafic internet, selon un rapport du Shift project, on peut donc s’attendre à une augmentation significative des émissions de GES du secteur. Il y a également le risque de déplacer les émissions, entre autres à cause de la multiplication des équipements numériques, dont la production génère des émissions de GES qui apparaîtront dans le bilan des pays producteurs.

Malgré ces effets négatifs, il est probable que, dans la plupart des cas, le télétravail réduise notre empreinte carbone, notamment au Québec où l’électricité décarbonée est particulièrement favorable. Toutefois, le bilan GES du télétravail est plus complexe qu’il n’y paraît et doit être étudié au cas par cas, notamment en fonction des habitudes de travail au sein de l’entreprise.

Afin de faciliter cette transition écoresponsable, le gouvernement québécois a mis en place le Fonds Écoleader. Ce dernier a pour objectif d’aider plus de 50 000 entreprises d’ici 2023 dans leurs démarches pour l’implantation de pratiques d’affaires écologiques et dans l’utilisation de technologies propres. Parmi les projets financés se trouvent l’inventaire GES et le plan d’action de réduction des émissions. Ces documents permettent notamment de quantifier les bénéfices attendus du télétravail.

Qu’il s’agisse du cadre privé ou professionnel, la transition décarbonée est en marche. Si la crise actuelle nous a orientés vers le télétravail par nécessité, nous assistons également à la démocratisation de cette pratique sur le long terme tant ces avantages sont nombreux. C’est en repensant nos modes de fonctionnement que nous nous approcherons un peu plus d’un avenir durable, résilient, et préservant notre environnement.

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