Le coût de la non-conformité environnementale pour les exportateurs vers l’Union Européenne

Dans un article précédent (publié le 25 avril dernier) nous avons vu que les compagnies canadiennes exportant vers l’Union Européenne (UE) sont potentiellement plus exposées à des risques de non-conformité si elles ne prennent pas bien en compte les différences entre les normes environnementales du Canada et celles de l’UE. En réaction à cette première parution, certains de nos lecteurs nous ont envoyé des questions portant sur le coût potentiel d’une telle situation de non-conformité. Ce deuxième article apporte donc un éclaircissement sur ce questionnement que nous rencontrons régulièrement.

À première vue, la question peut paraître infondée.  A priori, la conformité réglementaire est un prérequis pour toute entreprise au regard de la loi. Il parait difficile (quoique pas impossible) de penser qu’il puisse en être différemment. En effet, peut-on imaginer un scénario dans lequel la non-conformité est assumée et où les possibles pertes financières en cas de contrôle des autorités sont simplement prises en compte dans  les coûts opérationnels ? Bien sûr ce comportement ne serait pas éthique et se révèlerait tôt ou tard une mauvaise décision d’affaire comme nous le rappelle le scandale Volkswagen médiatisé en 2016.

Toutefois, il y a des cas où, bien malgré elles, des entreprises se retrouvent dans une zone grise. Cela risque de se produire plus particulièrement lorsque, par exemple, les entreprises n’ont pas les capacités de suivre l’évolution rapide et constante de la règlementation et donc finissent par ne plus répondre aux dernières exigences en place. Ou alors lorsqu’elles manquent du savoir-faire ou des processus et ressources internes nécessaires à s’assurer que leurs produits respectent les normes des pays d’exportation.

Peu importe la raison, ces entreprises ont besoin de régler les problèmes de conformité au plus vite. Dans de telles situations, bien comprendre les coûts potentiels liés à la non-conformité peut aider les décideurs à choisir le chemin le plus efficace pour la suite et à se préparer pour le pire.

Nous proposons ci-dessous quelques éléments à garder à l’esprit lorsque vous avez à faire ce type d’analyse dans un contexte d’exportation vers l’UE.

Quantifier le coût lié à la non-conformité n’est pas une science exacte

En général, il est très difficile de déterminer avec précision les montants à risque si les produits exportés sont identifiés comme étant non-conformes. La première raison est que souvent il ne s’agit pas d’une seule source de coûts additionnels, mais bien d’une combinaison de coûts tels que:

  • Coûts d’ordre légal dus, par exemple, aux amendes, frais d’avocats, frais de tribunal ou de procès ;
  • Coûts des poursuites judiciaires initiées par les clients ;
  • Coûts opérationnels de « situation de crise » liés, par exemple, au fait de devoir résoudre des problèmes dans l’urgence au prix fort ; à la mobilisation de ressources internes supplémentaires ainsi qu’à la préservation de votre image publique ;
  • Coûts liés à la perturbation des opérations comme, par exemple : des manques à gagner, des pertes de parts de marché, des pénalités pour des livraisons en retard ou encore des frais d’entreposage de la marchandise non-livrée ;
  • Coûts liés à la perte de réputation auprès du public, des clients ou des investisseurs (à noter que ces coûts ont le potentiel de croitre hors de tout contrôle).

La deuxième raison c’est que le coût réel va dépendre souvent d’une variété de facteurs comme, par exemple, la gravité des lacunes en matière de conformité, la qualité de la relation que les compagnies ou leurs clients ont avec les autorités respectives, les compétences des avocats de l’entreprise, l’aptitude des auditeurs à identifier les lacunes, la couverture médiatique et la réaction du publique.

Les particularités du marché européen en ce qui concerne les règlements environnementaux et leur mise en application

Les différences de règlements d’un pays à l’autre dans l’UE augmentent les coûts potentiels de non-conformité

Dans l’UE les règlements environnementaux sont décidés soit au niveau de l’union soit au niveau des états membres. Mais dans les deux cas ce sont ces derniers qui ont la responsabilité de faire appliquer la loi. C’est pourquoi l’interprétation exacte d’un même règlement, la sévérité des sanctions, ainsi que le niveau de contrôle (c’est-à-dire le type de vérifications, leur fréquence, etc.) varient souvent d’un pays à l’autre. Le graphique ici-bas en donne un aperçu en représentant les amendes maximales possibles (lien) imposées par plusieurs pays de l’UE dans le cadre du règlement REACH. Les exportateurs vers l’UE s’exposent, simultanément, à des sanctions d’ordre administratif et pénal dans chaque pays où des produits non-conformes sont livrés. Les coûts de non-conformité se verraient ainsi démultipliés.

Niveau des sanctions d’ordre administratif et pénal dans l’UE

Niveau des sanctions d’ordre administratif et pénal dans l’UE

Tiré du “Report on penalties applicable for infringements on the provisions of the REACH Regulation in the Member States” publié par l’Unité responsable des substances chimiques de la Direction générale de l’environnement de la Commission Européenne 

Les activités de contrôle de la conformité des produits importés s’amplifient

En plus des contrôles conduits au niveau de chaque pays, il y a également des audits coordonnés par l’UE. Entre autre, les produits d’importation sont ciblés lors de leur passage aux douanes.  À ce propos, la dernière campagne qui a ciblé les produits assujettis au règlement REACH a révélé que le niveau de non-conformité des produits importés était élevé. Les autorités ont noté que le manque de conformité est souvent dû à l’ignorance ou à la connaissance insuffisante des obligations réglementaires. Ces dernières recommandent d’augmenter les sanctions en cas d’infractions à répétition. De plus, les audits prévus pour l’année 2017 visent à vérifier la conformité des produits manufacturés d’importation.

Attention aux clauses environnementales dans vos contrats

Dans le cas ou des produits exportés sont non-conformes, ce sont les compagnies qui les reçoivent dans l’UE (c’est-à-dire les clients) qui seront tenues pour responsable du point de vue légal dans la majorité des cas. Par conséquent, les firmes européennes incorporent de plus en plus souvent dans leurs contrats d’approvisionnement des clauses spécifiques exigeant aux fournisseurs de s’assurer que leurs produits respectent les normes de l’UE. Dans le cas de non-conformité, les fournisseurs non-européens ayant de tels contrats ont un plus grand risque de se faire poursuivre en justice par leurs clients.

La probabilité que les produits ne soient pas aux normes est plus importante car les règlements européens évoluent constamment

Les règlements européens sont souvent plus agressifs et évoluent à une cadence plus élevée que dans d’autres juridictions. Par exemple la « Candidate List » du règlement REACH est une liste de substances qui, si elles sont présentes dans des produits manufacturés, doivent être obligatoirement signalées aux clients. Des nouvelles substances y sont ajoutées tous les six mois avec entrée en vigueur immédiate. Il existe plusieurs autres listes similaires que les exportateurs vers l’UE doivent surveiller et analyser pour ensuite s’y conformer. Autant dire qu’il y a de nombreuses possibilités de se tromper, et dont d’avoir des manquement à la conformité.

La non-conformité avec les restrictions et l’interdiction des substances chimiques aura des conséquences majeures

Autre les sanctions et amendes, il y a eu également des situations où les autorités ont décidé d’interdire la vente de certains produits non-conformes et même ont ordonné le rappel des biens déjà vendus. Ces mesures sont plus susceptibles d’être prises si les produits contiennent des substances bannies ou restreintes en quantité supérieure aux seuils définis par la loi. Historiquement l’impact financier de telles mesures a souvent été important et a été accompagné d’une baisse de la réputation de l’entreprise auprès de ses clients, du publique et des investisseurs.

À titre d’exemple, l’entreprise japonaise Sony a dû remplacer des composants sur quelques 1,3 millions de consoles de jeux PlayStation One après que le gouvernement néerlandais ait interdit leur vente suite à la découverte de concentrations trop élevées d’une substance restreinte. Une agence des Nations Unies estime que les pertes subies se chiffrent autour de 150 million de dollars américains. Par la suite Sony a mis en place un système de gestion de la conformité environnementale concernant sa chaîne d’approvisionnement.

Qu’est-ce que cela implique pour les exportateurs canadiens?

Vous exportez déjà vers le vieux continent, où peut-être vous prévoyez de le faire maintenant que l’AECG a été approuvé (voir l’article), mais personne dans votre entreprise ne connait les règlements tels que REACH, Biocides, les directives CE ou RoHS. Il y a alors des chances que vous et vos clients européens soient exposés à des risques de non-conformité environnementale. Pourquoi ?

Les normes environnementales européennes continuent à évoluer à un rythme plus soutenu par rapport à celles du Canada. Cela augmente les risques d’accumuler des non-conformités sans s’en rendre compte. En parallèle, il y a actuellement une accélération des activités de contrôle visant les marchandises importées à travers l’UE. Ainsi les risques de non-conformité pourraient se matérialiser plus rapidement qu’auparavant.

Selon notre expérience, des exportateurs de longue date ont parfois de la difficulté à suivre et à se mettre à jour avec les requis environnementaux européens en constante évolution. Ceci est encore plus souvent le cas parmi les petites et moyennes entreprises car elles sont d’habitude moins au courant et ont moins de ressources à allouer à la gestion des risques qui dépassent le périmètre de leurs opérations.

Tel que vu plus haut, les conséquences financières de la non-conformité sont potentiellement très élevées autant pour les exportateurs que pour leurs clients européens. Les compagnies qui ne sont pas bien préparées s’exposent à des interruptions de leurs opérations, des risques juridiques ou à une dégradation de leur réputation. Cela affecterait leurs revenus et pourrait les rendre moins compétitives face à la concurrence européenne.

En contrepartie, les risques se voient immédiatement diminués lorsque l’on met en place des mesures proactives relativement simples et en accord avec les meilleures pratiques. Les entreprises qui ont adopté de telles mesures ont démontré une meilleure capacité à s’ajuster rapidement et à protéger leurs parts de marché, comme le prouve l’exemple ci-dessous.

En 2008, l’Union Européenne programmait la restriction de certains produits chimiques à partir de 2015. Deux d’entre eux constituaient des produits phare que la Dominion Colour Corporation (DCC), entreprise canadienne spécialisée dans la production de pigments minéraux, exportait en Europe. Grâce à sa veille réglementaire, DCC a réalisé tôt que la seule option pour continuer la commercialisation de ses pigments en territoire européen était d’obtenir une autorisation de la part des instances européennes (lien). Par un choix stratégique, l’entreprise a décidé de poursuivre cette voie et a fait appel à de l’aide externe. Grâce à sa proactivité, DCC a eu assez de temps pour collecter à l’interne et dans sa chaine de valeur européenne la grande quantité de données requises par les autorités. De plus, DCC a réussi à répondre à plus de 380 commentaires (lien) reçus d’organismes non gouvernementaux (ONG) et de compétiteurs (lien) qui soutenaient que des remplaçants plus sécuritaires existaient. L’effort a été couronné de succès et DCC a fini par obtenir une autorisation à temps pour éviter d’arrêter sa ligne de production. Dès lors, la compagnie était devenue le seul fournisseur autorisé à vendre ces deux pigments sur le marché européen. Si elle avait été moins bien préparée, le dénouement aurait surement était très différent.

Conclusion

Prédire le coût de la non-conformité environnementale reste difficile, entre autre à cause des nombreuses variables à prendre en compte. En revanche il est clair que le marché européen est un défi en ce qui concerne la réglementation environnementale et que les coûts de non-conformité peuvent être très élevés pour les exportateurs canadiens mal préparés.

Si vous vous posez des questions sur les coûts de non-conformité, il y a des chances que vous ayez besoin d’aide pour mieux vous adapter aux requis environnementaux européens.

En pratique, les entreprises en tireront avantage si elles se préparent, notamment en suivant quelques bonnes pratiques :

  • Suivre l’évolution de la réglementation et comprendre comment celle-ci s’applique à leurs produits ;
  • Assurer la traçabilité des substances chimiques présentes dans le produit final ainsi que dans ceux utilisés aux différentes étapes de fabrication ;
  • Identifier les risques de rupture de stock ou d’obsolescence causés par la restriction de substances chimiques nécessaires au processus de fabrication ;
  • Être en mesure d’estimer rapidement les impacts environnementaux du cycle de vie du produit.

Ce faisant, les entreprises seront adéquatement préparées pour assurer la conformité de leurs produits tout en minimisant les risques et les coûts associés.

Groupe Conseil Carbone est confiant que l’adaptation aux réglementations environnementales européennes peut non seulement être réalisée à moindre coût mais peut également offrir de nouvelles opportunités d’affaires dont les bénéfices dépassent largement les investissements requis. La clé du succès ? Agir de façon proactive et avec le bon niveau d’aide et d’expertise.

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