Des investisseurs représentant 9 trillions de dollars font pression pour des états financiers alignés avec l’Accord de Paris

Le mois dernier, l’IIGCC, une coalition d’investisseurs institutionnels aux États-Unis et en Europe représentant 9 trillions de dollars d’actifs, a demandé aux présidents des comités d’administration de 36 grandes entreprises à forte intensité carbone dans les secteurs de l’énergie, des matériaux et des transports de prendre des mesures pour aligner leurs comptes financiers avec l’Accord de Paris. La lettre complète (en anglais), ses destinataires et les signataires du site web de l’IIGCC peuvent être consultés ici.   

La lettre fait suite à des événements survenus plus tôt cette année, au cours desquels le géant de l’énergie BP a réduit la valeur de ses actifs de 17,5 milliards de dollars à la lumière de l’Accord de Paris. Alors que la campagne pour des états financiers alignés avec l’Accord de Partis s’appuie sur des initiatives telles que le Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD), la demande de l’IIGCC va plus loin en demandant aux entreprises d’intégrer les impacts « matériels et prévisibles » des risques climatiques sur les flux de trésorerie futurs d’une entreprise. Plus précisément, la lettre demande aux entreprises d’affirmer que les déclarations prospectives reflètent les risques liés au climat et les objectifs de l’Accord de Paris, la manière dont les jugements comptables ont été testés par rapport à la réalisation d’une économie nette zéro d’ici 2050, les implications pour les dividendes et la confirmation de la cohérence entre les états financiers et les textes de divulgation. 

Les implications de cette campagne ne vont pas se limiter aux destinataires de la lettre. Prenons le cas du Carbon Disclosure Project (CDP), qui a débuté en 2003 par une campagne d’investisseurs visant à amener les grandes entreprises mondiales à divulguer publiquement leurs émissions de gaz à effet de serre. Au cours de la première année, 228 grandes entreprises ont accepté de participer à l’initiative de transparence. À l’heure actuelle, plus de 8 500 entreprises ont divulgué leurs émissions par le seul biais du CDP, tandis qu’un nombre incalculable d’organisations des secteurs public et privé divulguent désormais les émissions de gaz à effet de serre de leur organisation par le biais de diverses méthodes comptables et canaux de divulgation.

Par analogie, il ne sera pas surprenant de voir que d’autres grandes entreprises devront bientôt aligner leurs états financiers avec l’Accord de Paris. Le secteur financier dans son ensemble, qui suit souvent l’exemple des investisseurs institutionnels, demandera de plus en plus aux entreprises d’être plus transparentes sur leurs états financiers et récompensera celles qui s’y conformeront en leur offrant un meilleur accès aux capitaux. 

En outre, les sociétés participantes vont commencer à demander à leurs fournisseurs de leur fournir des informations sur leurs activités en rapport avec le climat afin de compléter leurs déclarations prospectives (par exemple en demandant l’exposition du fournisseur aux réglementations, aux inondations, aux incendies et aux sécheresses). Par ailleurs, les entreprises qui alignent leurs déclarations avec l’Accord de Paris sont plus susceptibles de se tourner vers des fournisseurs qui peuvent les aider à améliorer leurs déclarations prospectives (par exemple en fabriquant des voitures électriques plutôt que des voitures à essence ou en achetant des carburants à faible teneur en carbone). 

À en juger par les titres des destinataires de la lettre (présidents de comités d’audit), le travail d’alignement financier reposera en grande partie sur les épaules des professionnels de la comptabilité et de l’audit (traditionnellement, ces initiatives sont confiées à des professionnels du développement durable). Si l’alignement des déclarations prospectives sur les réalités des changements climatiques peut sembler accablant, la bonne nouvelle est qu’il existe déjà une panoplie d’outils et de cadres bien établis qui peuvent aider à réaliser cette tâche. 

À un niveau très fondamental, les revenus et coûts futurs dépendront des émissions intégrées dans les activités, les projets et les produits de l’entreprise. Les comptables et les vérificateurs peuvent intégrer des données sur les émissions de gaz à effet de serre dans leurs états financiers en examinant comment différents scénarios de tarification du carbone pourraient affecter leurs coûts et leurs revenus. La TCFD fournit un cadre utile pour comprendre l’impact financier des risques et opportunités climatiques. Pour des conseils plus spécifiques à un secteur, le SASB fournit une carte de matérialité permettant de déterminer comment le changement climatique peut affecter les finances des entreprises. 

Bien entendu, la compréhension de l’impact des changements climatiques sur les finances des entreprises est unique à chacune d’entre elles. Pour en savoir plus sur la manière d’évaluer l’impact financier des changements climatiques pour les entreprises, vous pouvez consulter notre formation CPA sur le thème du financement durable et des risques climatiques. 

 

Image by @Olidale

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